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Urbanisme

La ville piétonne : vers un modèle urbain durable et humain

À l’heure où les défis environnementaux et sociaux s’intensifient, la ville piétonne s’impose comme une réponse globale aux problématiques urbaines modernes : pollution, congestion, perte d’identité locale, exclusion des espaces publics… Partout dans le monde, des villes repensent leur modèle pour redonner une place centrale aux piétons et aux mobilités douces. Plus qu’une tendance, c’est une véritable transformation culturelle qui s’opère.

Le constat : une ville façonnée par la voiture

Dans la majorité des villes, en particulier dans les pays en développement, l’aménagement urbain a longtemps été centré sur la voiture. Routes larges, échangeurs, parkings et infrastructures autoroutières ont peu à peu grignoté l’espace public, réduisant les trottoirs, effaçant les places et appauvrissant les interactions sociales.

Cette domination de la voiture a eu pour conséquences :

  • Une augmentation massive du trafic et du stationnement sauvage,
  • Une pollution atmosphérique et sonore persistante,
  • Une diminution de la sécurité routière pour les piétons,
  • Un étouffement progressif de la vie de quartier et du tissu commerçant.

Face à ce constat, des villes pionnières ont osé le changement. Copenhague, Singapour et Paris montrent la voie, chacune à sa manière. Certaines villes d’Algérie commencent elles aussi à expérimenter ce virage, à une autre échelle.

L’exemple de Copenhague : plus de 70 ans de piétonnisation progressive

Dans les années 1950, alors que le Danemark vivait un déclin économique, la capitale Copenhague a initié une réflexion en profondeur sur la place de la voiture dans l’espace urbain. La saturation automobile y avait vidé les rues de leur vitalité, supprimé les places publiques, et asphyxié l’animation urbaine.

Strøget Copenhague

Les autorités ont alors adopté des mesures fortes :

  • Fermeture de rues à la circulation automobile,
  • Suppression de parkings pour récupérer des espaces publics,
  • Création de pistes cyclables dédiées, surélevées et identifiables grâce à des bandes bleues.

Le résultat ? Une ville plus humaine et plus fluide. Aujourd’hui, plus de 40 % des habitants de Copenhague se déplacent à vélo au quotidien, et des rues autrefois saturées comme Strøget sont devenues des icônes de la piétonnisation.

rue piétonne - Singapore, Chinatown

Singapour : connecter les piétons au cœur d’une ville verticale

Singapour, ville-État dense et très urbanisée, a adopté une approche innovante en misant sur des infrastructures piétonnes intégrées :

  • Des passerelles couvertes relient les centres commerciaux, quartiers d’affaires et stations de métro.
  • Le week-end, des rues comme Ann Siang Road ou Haji Lane deviennent entièrement piétonnes, au profit des commerces, cafés et terrasses.
  • L’objectif : redonner aux rues un rôle social et marchand, tout en rendant la marche agréable et sécurisée.

Cette stratégie vise à faire de la marche une expérience plaisante : mobilier urbain, éclairage, végétalisation et animations temporaires rythment ces espaces.

Paris : une métamorphose votée par ses habitants

La capitale française est en pleine révolution piétonne. Portée par la volonté politique et plébiscitée par ses citoyens (66 % de vote favorable), Paris s’est fixée pour objectif de piétonniser 500 rues d’ici 2026.

rue piétonnière - Paris

Parmi les mesures déjà mises en place :

  • Des journées sans voiture chaque mois dans plusieurs arrondissements,
  • Le dispositif « Paris Respire », qui interdit la circulation automobile dans certaines zones le dimanche,
  • Une taxation dissuasive pour les SUV lourds (+300 % sur le stationnement),
  • L’aménagement de zones piétonnes autour des monuments et centres touristiques, stimulant le commerce de proximité.

L’enjeu est double : désengorger le trafic tout en redonnant vie aux espaces publics.

En Algérie : des initiatives émergentes mais encore timides

En Algérie, la piétonnisation reste limitée mais quelques villes expérimentent des aménagements en faveur des piétons, notamment durant les week-ends ou les événements.

Alger :

Des rues comme la rue Didouche Mourad ou les abords du Centre commercial Bab Ezzouar sont temporairement piétonnisées lors de festivals ou manifestations culturelles.

La promenade des Sablettes, sur la baie, est un exemple d’espace totalement réservé aux piétons et cyclistes.

boulevard Abdelkrim al-Khattabi à Alger

Le boulevard Abdelkrim al-Khattabi à Alger est devenu entièrement piéton depuis le 6 mai 2024, suite à une décision du wali. Cette transformation, pilotée par la direction de l’urbanisme de la wilaya, vise à revitaliser le centre-ville et offrir un espace public apaisé et sécurisé. Désormais pavé et débarrassé du trafic automobile, le boulevard met en valeur son architecture blanche emblématique et invite les promeneurs à la flânerie grâce à un aménagement soigné.

rue larbi ben m'hidi piétonne

Par ailleurs, il est intéressant de rappeler qu’Alger avait déjà expérimenté la piétonnisation bien avant cette initiative. En 1986, la rue Larbi Ben M’hidi, ex-rue d’Isly, fut l’une des premières artères algéroises à devenir piétonne. Située en plein cœur du centre-ville, cette rue emblématique avait été fermée à la circulation automobile pour offrir un espace dédié à la promenade, au commerce et à la vie urbaine. Ce choix, avant-gardiste à l’époque, avait transformé le paysage du centre historique, en faisant de la rue Larbi Ben M’hidi un lieu de rencontre, de flânerie et de dynamisme culturel. Cette expérience précoce de piétonnisation illustre la volonté ancienne de faire d’Alger une ville plus humaine et accessible.

Oran :

  • La corniche a été aménagée avec des zones piétonnes sécurisées, offrant aux familles un espace de promenade agréable.

Béjaïa ou Constantine :

  • Lors d’événements comme Yennayer ou les fêtes religieuses, certaines artères sont fermées aux véhicules pour favoriser les déambulations piétonnes et les marchés de rue.

👉 Toutefois, ces initiatives restent ponctuelles. Une politique cohérente et planifiée de piétonnisation reste à développer, notamment autour des écoles, des marchés et des quartiers historiques, aujourd’hui souvent saturés par la circulation.

Les défis d’une ville piétonne

Adopter un modèle urbain piéton, c’est aussi faire face à plusieurs enjeux :

  • Sécurité : les voies piétonnes doivent être bien éclairées, accessibles (personnes âgées, handicapées, enfants), et équipées (toilettes, bancs, rampes).
  • Acceptabilité sociale : il faut convaincre les citoyens des bénéfices à long terme et compenser les contraintes (suppression de places de parking, accès véhicules).
  • Continuité territoriale : une ville piétonne doit rester connectée par les transports publics. Elle ne doit pas exclure les périphéries.

Marcher vers une ville plus vivante

Les exemples de ville piétonne comme Copenhague, Singapour, Paris, mais aussi les premières expérimentations en Algérie, montrent que la piétonnisation n’est plus un luxe mais une nécessité. Face aux défis du climat, de la santé publique et du lien social, redonner la ville à ses habitants est un levier puissant.

Créer des villes piétonnes plus humaines, respirables et agréables à vivre, passe donc par une meilleure répartition de l’espace public. Les villes piétonnes ne sont pas seulement des projets urbains. Elles sont des projets de société.

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