Loi 87-19 déterminant le mode d’exploitation des terres agricoles du domaine national et fixant les droits et obligations des producteurs

Visas

Vu la Charte nationale.

Vu la Constitution, notamment ses articles 13,14, 15,16,18,22,24,32,59,111,148, 151 et 154.

Vu l’ordonnance n° 66-154 du 8 data 1966, modifiée portant code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance n° 66-156 du 8 Juin 1966. modifiée portant code pénal ;

Vu l‘ordonnance n° 67-24 du 18 Janvier 1967, modifié et complétée. portant code communal ;

Vu l‘ordonnance n° 68—853 du 30 décembre 1968 relative a l‘autoge8tion dans l'agriculture, modifiée et complétée par l'ordonnance n° 75—42 du 17 juin 1975 et d’ensemble des textes pris pour son application .

Vu l‘ordonnance n‘ 69—38 du 23 mai 1969, modifiée et complétée, portant code de la wilaya.

Vu l‘ordonnance n° 70—91 du 15 décembre 1970 portant organisation du notariat ;

Vu l‘ordonnance n° 71—73 du 8 novembre 1971 portant révolution agraire et les textes pris pour son application

Vu l‘ordonnance n° 74—26 du 20 février 1974 portant constitution de réserves foncière au profit des communes,

Vu ordonnance n° 74-103 du 11 novembre 1974 modifiée et complétée portant code du service national ,

Vu l’ordonnance n° 75—43 du 17 juin 1975 portant code pastoral;

Vu l’ordonnance n° 75— 58 du 26 septembre 1975 modifiée et comp1étée par la loi n° 83—01 du 29 Janvier 1983 portant code civil ;

Vu l‘ordonnance n° 75-74 du 12 novembre 1975 portant établissement du cadastre général et institution du livre foncier;

Vu l‘ordonnance n° 76-48 du 25 mai 1976 fixant les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique .

Vu l‘ordonnance n° 76-191 du 8 décembre 1976, modifiée et complétée, portant code des impôts directs et taxes assimilées;

Vu l‘ordonnance n° 76 —105 du 9 décembre 1976 modifiée et complétée, portant code de l’enregistrement ,

Vu la loi n° 82-02 du 6 février 1982. relative au permis de construire et au permis de lotir ;

Vu la 101 n° 83-17 du 16 ‘juillet 1983 portant code des eaux ;

Vu la loi n° 83—18 du 13 août 1983 relative à l‘accession a la propriété foncière agricole.

Vu la loi n° 84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille,

Vu la loi n° 84-16 du: 30 juin 1984 relative au domaine national;

Vu la. 101 n° 84-17 du 7 juillet 1984 rotative aux lois de finances.

Vu l'ordonnance n° 85—01 du 13 août 1985 fixant, à titre transitoire, les règles d'occupation des sols en vue de leur préservation et de leur protection ;

Articles

  • Article 1 :
    — Le présente loi a pour objet de fixer les règles d’exploitation des terres agricoles définies par l’article 19 de la loi n° 84—16 du 30 juin 1984 susvisée, ainsi que les droits et obligations des producteurs.

    Elle a notamment pour objectifs :
    — d‘assurer l’exploitation optimale des terres agricoles,
    — d‘augmenter la production et la productivité dans le but de satisfaire les besoins alimentaires de la population et les besoins de l’économie nationale,
    — de permettre aux producteurs, l’exercice de leur responsabilité dans l’exploitatioh des terres,
    — d‘assurer une autonomie effective aux exploitations,
    — d’établir un lien exclusif entre le revenu des producteurs et le résultat de la production.

  • Article 2 :
    — Dans le cadre de la réalisation du développement global et de la conduite unitaire du développement agricole, l’Etat entreprend notamment les actions suivantes :
    — l’orientation générale Ici-es activités agricoles
    — la définition des grands axes de la planification agricole,
    - l‘incitation au développement et à la décentralisation des structures de soutien et d’appui à la production agricole.

  • Article 3 :
    — Les terres visées à l‘article 1er de la présente loi, ainsi que les autres moyens de production y attachés, sont constitués en exploitations agricoles collectives homogènes, dont la dimension est en rapport avec le nombre et la capacité de travail des producteurs constituent le collectif, les systèmes de production en place et les potentialités des terres.

  • Article 4 :
    — Les terres du domaine national rattachées a des organismes et {établissements publics pour la réalisation des missions qui leur sont confiées sont exclues du champ d'application de la présente loi.

    Cette disposition s’applique notamment :
    — aux (termes pilotes,
    — aux établissements de formation et de recherche,
    — aux instituts de développement.

    Les modalités d’application de cet article seront précisées par voie réglementaire.

  • Article 5 :
    — L‘Etat peut destiner des terres à la constitution des fermes pilotes en vue notamment du développement des facteurs de production.

    Les modalités d'application de cet article seront précisées par voie réglementaire.

  • Article 6 :
    — L‘Etat consent aux producteurs agricoles concernés par la présente loi, un droit de jouissance perpétuelle sur l’ensemble des terres constituant l’exploitation.

    Ce droit de jouissance perpétuelle est consenti moyennant paiement, par les bénéficiaires, d'une redevance dont l’assiette et les modalités de recouvrement et d’affectation sont fixées par les lois de finances.

  • Article 7 :
    — L'Etat consent aux producteurs agricoles un droit de propriété sur tous les biens constituant le patrimoine de l’exploitation, autres que la terre.

    Ce droit de propriété est cédé à titre onéreux.

    Les biens réalisés par les collectifs postérieurement à leur création sont propriété des producteurs.

  • Article 8 :
    —Les droits réels immobiliers tels que définis dans les articles 6 et 7 ci—dessus, octroyés dans l’indivision et à parts égales entre les membres sont transmissibles cessibles et saisissables, conformément aux dispositions de la présente loi et de la législation en vigueur.

  • Article 9 :
    - Les terres sont exploitées collectivement et dans l'indivision, avec des quote—parts égales entre chacun des membres du collectif librement associés.

    Chaque producteur ne peut prétendre à plus d’une quote—part ni faire partie de plus d’un collectif.

    L’exploitation individuelle peut exceptionnellement être envisagée dans les cas et aux conditions fixées par la présente loi.

    Toutefois, les attributions individuelles peuvent ne pas revêtir un caractère exceptionnel dans le cas particulier des palmeraies.

  • Article 10 :
    — Les droits prévus par la présente loi sont consentis a des personnes physiques de nationalité algérienne n’ayant pas adopté une attitude indigne durant la guerre de libération nationale.

    Lesdits droits sont consentis d’abord aux travailleurs permanents et autres personnels d’encadrement des exploitations agricoles existantes à la date de promulgation de la présente loi au titre des terres visées à d'article premier ci—dessus.

    Ils peuvent, en outre, être consentis, sur les terres excédentaires dégagées après constitution des exploitations collectives par les travailleurs visés à d’alinéa ci—dessus, à des collectif constitués des personnes exerçant les activités d'ingénieurs et de techniciens agricoles, d’ouvriers saisonniers ainsi que de jeunes agriculteurs.

    Dans chaque cas ci-dessus visé, la priorité est accordée aux moudjahidine et ayants droit.

  • Article 11 :
    - Trois ou plusieurs producteurs, tels que définis à l‘article 9 ci-dessus, constituent entre eux, par cooptation réciproque, un collectif en vue de créer une exploitation agricole collective.

    Les modalités de constitution des collectifs et des exploitations sont déterminées par voie réglementaire.

  • Article 12 :
    — Sur acte déclaratif de constitution du collectif et à la diligence des intéressés, il leur est délivré un acte administratif déterminant l’assiette foncière sur laquelle s’exerce dans l’indivision et à parts égales, leur droit de jouissance perpétuelle. La consistance et le montant des biens cédés en toute propriété et les modalités de paiement sont déterminés par acte administratif, suivant des modalités fixées par voie réglementaire.

  • Article 13 :
    — Le collectif constitue une société civile de personnes régie par la législation en vigueur et les dispositions particulières de la présente loi.

  • Article 14 :
    — L’exploitation agricole collective a la pleine capacité juridique de stipuler, d'engager et de contracter conformément aux règles du code civil et des dispositions de la législation en vigueur.

  • Article 15 :
    — Les membres de l’exploitation agricole collective jouissent des mêmes droits et sont astreints aux mêmes obligations.

    Ils peuvent, par convention, non opposable aux tiers, régler leurs rapports.

  • Article 16 :
    — Les producteurs des exploitations agricoles collectives sont tenus d‘œuvrer pour:
    — la production de richesses au service de la Nation et de l'économie nationale,
    — l'amélioration continue de la production et de la productivité,
    — la modernisation des modes et moyens de production.

  • Article 17 :
    — Les membres de l'exploitation agricole sont indéfiniment et-solidairement tenus des engagements faits par l’un quelconque d’entre eux au titre de l‘exploitation.

    Toute convention n'est pas opposable aux tiers.

  • Article 18 :
    — Les membres de l’exploitation sont tenus d‘assurer collectivement l’exploitation optimale de toutes les terres dans l’indivision, de conserver leur vocation agricole et de mettre en œuvre toute action de nature à les valoriser.

  • Article 19 :
    — Les membres de l’exploitation agricole collective sont tenus individuellement et collectivement de s'abstenir de tout acte ou fait qui entrave la bonne marche de l’exploitation.

  • Article 20 :
    — Les membres de l’exploitation agricole collective décident de la répartition et de l’usage collectif du revenu, le cas échéant par convention non opposable aux tiers.

  • Article 21 :
    —- Chacun des membres de l‘exploitation agricole collective est tenu de participer directement et personnellement aux travaux dans un cadre collectif.

    Une convention non opposable aux tiers, peut déterminer le mode de participation de chacun des membres ainsi qu’une éventuelle répartition des taches au titre de l’exploitation.

  • Article 22 :
    — Toute sanction ou mesure de droit, qui frappe directement et à titre personnel, un membre , de l'exploitation agricole collective est sans effet sur l’existence de l’exploitation.

  • Article 23 :
    — Les quotes—parts sont, dans le respect du caractère collectif de l'exploitation, transmissibles, cessibles et saisissables.

    Toutefois, les quotes-parts ne sont pas cessibles, sauf en cas de décès, durant les cinq (5) premières années à dater de la constitution de l'exploitation agricole collective

  • Article 24 :
    — Toute cession de quote—part ne peut intervenir qu’au profit des travailleurs du secteur agricole. La priorité est donnée, dans ce cadre, aux jeunes ayant bénéficié d'une formation agricole ainsi qu’aux travailleurs au sein de l’exploitation agricole collective.

    Dans tous les cas, l’Etat peut exercer à tout moment sont droit de préemption.

  • Article 25 :
    — Sauf pour l'Etat et le travailleur au sein de l'exploitation agricole collective, tout acquéreur doit au préalable être agréé par ‘les autres membres.

    Dans tous les cas, l'acquéreur est substitué aux mêmes droits et tenu des mêmes obligations que le cédant.

  • Article 26 :
    — En cas de pluralité de successeurs et ayants droit, ces derniers substitués dans les droits et obligations de leur auteur, peuvent choisir l’un d’entre eux pour les représenter et assumer les droits et charges de la quote-part.

    Ils peuvent se désister, à titre onéreux ou gracieux au profit de l’un d’entre eux ou céder leurs quotes-parts suivant les conditions fixées à l'article 24 ci— dessus.

  • Article 27 :
    — Tout empêchement en raison d’une incapacité physique légalement constatée ou de l'exercice d'un mandat électif national ou permanent, de participer personnellement et directement à l’exploitation, entraine l‘obligation pour le membre concerné de se faire substituer, a ses frais par une personne de son choix. Il reste dans ce cas, directement et personnellement tenu des obligations de l‘exploitation agricole collective.

    Lorsque cet empêchement nuit au fonctionnement de l'exploitation, les autres membres du collectif sont fondés à demander au tribunal de statuer sur la transmission ou la cession de la quote-part du membre empêché dans un délai raisonnable.

    Cette disposition ne s’applique pas aux personnes soumises aux obligations du Service national qui continueront à bénéficier des mêmes avantages qu’un producteur en situation d’empêchement, pendant toute la durée dudit service.

    La liste des mandats électifs nationaux et permanents prévus à l'alinéa premier ci—dessus, sera fixée par voie réglementaire.

  • Article 28 :
    — Par application des voies de droit, le non—respect de ses obligations par le collectif constituant l’exploitation agricole collective peut entra"ner une déchéance d-e ses droits et paiement d’une indemnité représentative du dommage, dégradation ou moins-value, au profit de l’Etat.

  • Article 29 :
    — Tout manquement à ses obligations par un membre de l'exploitation agricole collective peut entra"ner la déchéance de ses droits et le paiement aux autres membres d’indemnités en réparation du dommage causé.

    Les modalités d’application de cet article seront précisées par voie réglementaire.

  • Article 30 :
    — Sans préjudice de la décision judiciaire sur le fond au titre des articles 25, 27, 28, et 29 de la présente loi, le juge, peut prononcer toute mesure de nature à préserver l’exploitation.

  • Article 31 :
    — La cession de la quote—part entra"ne transfert de tous les droits y afférents, y compris ceux relatifs aux locaux d’habitation. Toute clause contraire est réputée non écrite.

  • Article 32 :
    — Le retrait d'un membre ou toute autre circonstance modifiant la composition de l'exploitation collective ne peut donner lieu à partage. Dans ce cas et pour conserver à l’exploitation son intégrité et sa viabilité, le membre concerné ou ses ayants droit bénéficient d’une indemnité représentative de la contre-valeur de la quote—part qu’ils détiennent.

    Ladite indemnité est fixée à l’amiable par acte authentique et peut être, le cas échéant, déterminée par voie judiciaire, suivant les procédures légales en vigueur.

  • Article 33 :
    — L’exploitation agricole collective est constituée de plein droit à la date de publicité de l'acte administratif prévu à l'article 12 de la présente loi à la conservation foncière.

  • Article 34 :
    — Toute transaction ayant pour effet de modifier la composition initiale et l’identité des membres de l’exploitation agricole collective est, à peine de nullité, constatée par un acte authentique soumis aux formalités de l’enregistrement et de la publicité.

  • Article 35 :
    — Toute transaction ayant pour effet de modifier la consistance de l’étendue des droits réels immobiliers de l'exploitation agricole collective est, à peine de nullité, constatée par acte authentique soumis aux formalités de l’enregistrement et de la publicité.

  • Article 36 :
    — Sans préjudice des dispositions des articles 34 et 35 de la présente loi, la convention interne conclue entre les membres de l‘exploitation agricole collective, non opposable aux tiers, peut résulter d’un acte sous seing privé soumis, le cas échéant, à la formalité de l’enregistrement.

  • Article 37 :
    — Lorsque après constitution des exploitations agricoles collectives il subsiste des parcelles de terre dont la taille ne pourrait satisfaire à la capacité de travail du collectif le plus réduit et/ou ne pourraient être intégrées dans une exploitation du fait de leur enclavement ou de leur éloignement, elles peuvent être attribuées à titre individuel dans les conditions fixées à l’article 10 de la présente loi.

  • Article 38 :
    — Les bénéficiaires de parcelles de tomes agricoles en exploitation individuelle, jouissent des mêmes droits et sont tenus aux mêmes obligations Que les membres des exploitations agricoles collectives.

  • Article 39 :
    — Il n’est pas dérogé, même dans le cas de vente forcée, aux règles prévues par la présente loi en matière de seuil minimum de trois membres pour réaliser l’exploitation collective, à la qualité de producteur agricole et au fractionnement par le partage.

  • Article 40 :
    — Les exploitations agricoles collectives ou individuelles peuvent, dans le cadre de la législation en vigueur, passer entre elles toute convention qu’elles jugent utile pour la réalisation d’objectifs communs.

  • Article 41 :
    — Les producteurs et leurs collectifs peuvent accéder au crédit dans les conditions fixées par la législation en vigueur.

  • Article 42 :
    - Les droits immobiliers consentis par l’Etat au profit des producteurs agricoles, dans le cadre de la présente loi, ne peuvent faire l‘objet de limitation ou de dépossession que dans le cas et suivant les conditions et formes prévues par la législation en vigueur.

  • Article 43 :
    — Nul ne doit s‘immiscer dans l’administration et la gestion des exploitations agricoles individuelles ou collectives. Toute infraction aux dispositions ci-dessus prévues constitue une gestion de fait et entraine application des régies de responsabilité civile et pénale prévues en la matière.

  • Article 44 :
    — Les exploitants agricoles individuels ou collectifs sont soumis au régime fiscal prévu par la législation en vigueur.

  • Article 45 :
    — Les modalités d'application de la présente 101 seront, en tant que de besoin, déterminées par voie réglementaire.

  • Article 46 :
    — Les dispositions de la présente loi s‘appliquent également aux producteurs ayant bénéficié d’attribution individuelle en application de l‘ordonnance n° 71— 73 du 8 novembre 1971 susvisée.

  • Article 47 :
    — Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente loi, notamment celles de l’ordonnance n° 68-653 du 30 décembre 1968 susvisée, des articles 858 à 866 de l‘ordonnance n° 75-58 du 26 septembre 1975 susvisée.

  • Article 48 :
    — La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Fait à Alger, le 8 décembre 1987